Un jeune apprenti de notre établissement qui vit en France depuis quelques années m’a dit : « La voix de ceux qui connaissent de lourdes épreuves – très loin de nous ou tout proches – est si peu écoutée. C’est comme si notre cri se perdait dans le vide. Voilà ma vie. Tu sais, je dois réussir pour moi mais surtout pour mes proches qui restent au pays. Ils comptent sur moi. Je dois réussir deux fois. C’est très lourd mais heureusement que le moral est bon. Je suis seul je n’ai pas de parents derrière moi pour m’aider. C’est très dur souvent. »
Ce cri se fait entendre par les médias mais ça ne suffit pas. Comment y répondre par nos vies ? Concrètement ?
Il nous faut le courage pour toute une vie. A Taizé, nous avons pu entendre la question : « A-t-on le droit d’être heureux quand d’autres souffrent ? ». Quand nous sommes heureux, nous sommes en accord avec Dieu. Mais quand d’autres souffrent, notre bonheur est en désaccord avec leur souffrance. Le bonheur peut être blessant pour ceux qui en sont exclus. La satisfaction de celui qui a réussi fait mal à ceux qui ont échoué. La jubilation de ceux qui s’aiment peine ceux qui sont délaissés. Quand ceux qui sont heureux me font en plus sentir un malin plaisir de m’avoir supplanté, leur bonheur devient franchement insupportable. Un bonheur peut être blessant sans mauvaise intention : Jésus dépeint dans une parabole le bonheur d’un riche « menant une joyeuse et brillante vie » sans même s’apercevoir du pauvre Lazare assis à sa porte (Luc 16, 19-21).
Quel est le secret d’un bonheur qui n’offense pas mais relève ceux qui souffrent ? C’est d’être une joie de pauvre, un bonheur non pas possédé mais d’emblée partagé.
S’interdire d’être heureux quand d’autres souffrent pourrait conduire à un commun désespoir. Nous avons mieux à faire pour ceux qui sont dans le malheur. Une des choses les plus précieuses que nous pouvons offrir, c’est notre lutte cachée pour garder la joie de l’Esprit Saint, la joie qui rayonne la bonté et communique force et courage. »
Voici ce que déclare le Seigneur : « Je t’aime depuis toujours, c’est pourquoi je te reste profondément attaché. » (Jérémie 31, 3)
Les vacances de la Toussaint ont commencé et voilà qu’ Amanda, Chérine, Nicolas, Stéphane, Amaury pour la première fois et Théo pour une deuxième fois consécutives, partent à Taizé. Dès leur arrivée, nos jeunes prennent tout de suite des responsabilités : Amanda et Théo sont responsables d’amener le repas de la grande cuisine jusqu’à la tente « F » et Stéphane prépare les repas pour 2100 personnes. Il devient le grand cuisto. Cherine et Nicolas sont en charge du nettoyage des WC en chantant sur la mélodie de la célèbre chanson du groupe Queen « We will rock You” les paroles suivantes : « We will clean it, I’m sitting on my toilet feeling so fine, when the army of dirt is passing by ! I go to the mirror but I can’t see my face, the dirt is spreading, all over the place ! SINGING ! We will, we will CLEAN IT ! “. En français, cela donne : « Nous allons les nettoyer, je suis assis sur mes toilettes me sentant si bien, quand l’armée de la saleté passe par là. Je vais vers le miroir mais je ne peux voir mon visage, la saleté s’étend de partout ! En Chantant ! Nous allons, nous allons les nettoyer ». L’apprentissage de l’anglais en s’amusant.
Amanda, Amaury et Théo ont participé aux introductions bibliques faites par le fr. Richard :
“ Je suis sur la colline depuis 40 ans, ça fait un peu de temps. En entrant à l’église, vous avez vu qu’il y avait quelques icones, de la lumière qui nous fait sentir que c’est Dieu qui nous accueille tels que nous sommes. Que vous soyez déjà venus ou que vous soyez là pour la première fois, ne vous inquiétez pas, c’est toujours le même accueil. C’est fondamental pour tous que Dieu nous accueille et qu’il nous écoute mais nous avons besoin aussi des oreilles humaines. Une personne qui sera attentive à nous. Deux ou trois choses pratiquées concernant la prière : nous avons l’habitude de garder le silence dès que nous arrivons à l’église car il y a déjà des gens qui gardent le silence. En entant à l’église, nous pouvons éteindre nos portables car nous pouvons ressentir un appel mais ça ne sera pas sur notre portable. Au milieu de la célébration, la communion sera distribuée mais certains parmi vous ne sont pas baptisés et n’ont reçu aucune initiation à la foi. Sachez que vous n’êtes pas exclu. A Taizé, nous avons pris la tradition qui vient de l’église Syriaque et de d’autres églises d’extrême Orients de bénir le pain. Jésus a béni le pain dans le désert, il a pris le pain et le vin et les a bénis. Dans ce pain, Dieu se donne lui-même à nous. Il a partagé beaucoup de fois le repas avec des gens et le dernier soir avant sa mort, Jésus prit le pain et les bénis (…) et dans la communion nous accueillons aussi le Christ. Dans la prière, c’est le Christ qui nous accueille et dans la communion nous accueillons le Christ. Mais nous disons : « Seigneur je ne suis pas digne …. »
Chaque matin, nous lirons un texte biblique et vous pouvez partager après en petit groupe. Vous savez que personne n’a jamais vu Dieu, personne ne peut l’écrire. C’est pour ça que Jésus préfère raconter par exemple l’histoire d’un père avec un fils concernant l’héritage. De nos jours, c’est au décès des parents que les enfants reçoivent une part. Mais à l’époque tout ce qui appartenait au père appartenait aussi au fils, et c’est pour ça que le fils demande du vivant de son père la part d’héritage qui lui est dû : « donne-moi ma part d’héritage… ». Il est parti et a très vite tout dépensé. Il se retrouve sans ressources… Je vous propose de répondre à une question, une seule : « Comment ne pas rendre la vie plus dure aux autres ? Et revenez l’année prochaine… ».
Voici les impressions des jeunes après leur séjour :
Théo : « Pendant une année, j’ai participé aux prières de Taizé à Marseille et cette année, je suis retourné à Taizé car j’ai adoré mon séjour l’année dernière et je voudrais y amener mes potes. Notre programme était simple : trois fois par jour la prière et l’introduction biblique en petits groupes et divers services. Mais ce qui est beau, c’est que nous avons pas mal de temps libre. Le plus difficile, c’était de se réveiller le matin ! J’aime beaucoup le temps de silence au milieu de la prière qui me permet de me recueillir et de méditer. Le chant que j’aime beaucoup c’est : « Jésus le Christ lumière intérieure, ne laisse pas mes ténèbres me parler. Jésus le Christ, lumière intérieure, donne-moi d’accueillir ton amour. » Je reviendrai l’année prochaine, c’est un séjour plein d’amitié et de fraternité. A ceux qui ne sont pas venus, je dirais qu’ils doivent venir l’année prochaine car il vous manque quelque chose d’extra avec 8 euros par jour, vous pouvez parler à volonté en anglais. Vive Taizé ! »
Chérine : « C’est ma première fois à Taizé car je voudrais découvrir l’ambiance et j’étais à Lourdes mais après quelques jours ici, je préfère Taizé car nous avons beaucoup de temps libre et j’apprécie les soirées à l’Oyak. Les jeunes me disaient bonjour sans me connaitre. Le premier jour, un orage s’est abattu sur Taizé mais les jeunes attendaient tranquillement dans la pluie sans se précipiter. On s’entendait tous bien et l’ambiance était très bien. Je voudrais revenir à Taizé dès que ce sera possible. Mon chant préféré était : « Jésus le Christ, lumière intérieure ne laisse pas mes ténèbres me parler. Jésus le Christ, lumière intérieure, donne-moi d’accueillir ton amour. » A ceux qui ne sont pas venus, je dirais venez au moins une fois pour voir comment ça se passe. »
Amanda : « C’est la première fois que je suis allé à Taizé. Je désirais y aller l’année dernière mais peut-être que j’étais trop timide pour faire le premier pas. J’y suis allé pour découvrir une nouvelle culture et admirer le paysage. Je ne suis pas allé à Lourdes car il me manquait du courage. Ce que j’ai le plus aimé, c’est la rencontre avec des personnes. Les moments de prière étaient magnifiques à chaque chant même si je ne connaissais pas je me suis sentie portée à chanter. Le partage en petits groupes étaient assez perturbants car je suis une personne timide. Je souhaite revenir car la confiance qui règne était énorme et la facilité de communication avec les autres aussi. A ceux qui ne sont pas venus, je dirais dommage car c’est une bonne expérience, même si on est timide, les personnes viennent vers nous spontanément. Ce voyage m’a beaucoup plu car ça m’a changé d’air et ça m’a fait voir une autre vision sur les personnes. Ça m’a permis de faire de nouveaux amis et de leur parler sans jugement. I love Taizé. »
Stéphane : « Je suis allé à Taizé gratuitement car Nicolas, un ami, qui avait payé pour Taizé n’a pas pu venir à cause d’un empêchement de dernière minute et donc merci à Nicolas. Je suis allé à Lourdes et ça m’a plu donc je me suis dit pourquoi pas Taizé. Mon programme à Taizé était simple : prière, préparer le repas à la cuisine pour deux mille personnes, jeux, des rencontres avec les étrangers et bien sûr, le repas à fou rire. Le plus difficile c’était de partir car les rencontres étaient merveilleuses. La prière était belle mais j’attendais avec impatience la fin pour sortir et parler. Le partage en petits groupes était enrichissant. Je retournerai à Taizé car nous avons fait de belles rencontres. A ceux qui ne sont pas venus, je dirai tant pis pour vous on ne change pas une équipe qui gagne donc la prochaine fois restez à Marseille. »
Amaury : « C’est mon premier séjour à Taizé car l’année dernière je n’ai pas entendu parler, mais cette année ils m’ont motivé et je voulais y aller car je suis allé l’année dernière à Lourdes et je savais que je rencontrerai des personnes agréables, un vrai plaisir. Pendant une année, j’ai participé aux prières organisées à Marseille dans l’esprit de Taizé. Mon travail était d’accueillir à l’église mais ils ne m’ont pas très bien expliqué. J’ai participé aux prières et aux introductions bibliques avec un partage après. Ce qui m’a le plus plu, c’est d’accueillir les gens tels qu’ils sont, sans préjugés, la manière de communiquer avec les étrangers, se promener avec les amis c’est un vrai bonheur. Les moments de prière étaient agréables et fascinant. Mon chant préféré était : « Retourne, mon âme à ton repos, car le Seigneur t’a fait du bien. Il a gardé mon âme de la mort. Il essuiera pour toujours les larmes de nos yeux. » Je ne regrette pas d’y être aller. Je voudrais retourner en espérant que ça sera aussi bien. A ceux qui ne sont pas allés, je dirais, « Honnêtement ça en vaut bien la peine ».
Nicolas : « Je suis retourné à Taizé car quand j’étais petit, j’y étais allé avec mes parents et cette aventure est importante dans ma vie de chrétien. Et ça fait plusieurs années que je rêvais d’y retourner, car entre temps à l’aumônerie, les jeunes m’ont parlé et ça m’a donné envie d’y aller. J’ai bien aimé le temps de silence pendant la prière et les soirée à l’ Oyak. Les gens chantent en toutes les langues. Le plus difficile, c’était de manquer de nourritures. Ces moments de prières étaient pour moi des moments forts puissants. J’ai vécu dans une famille chrétienne pratiquante et aimant le Seigneur car il est une personne présente quels que soient les évènements. Mon chant préféré est : “ Bless the Lord my soul, and bless God’s holy name. Bless the Lord my soul, who leads me into life. Bénis le Seigneur, mon âme : bénis sont saint nom, il me conduit à la vie. » Je voudrais retourner à Taizé car je peux découvrir de nouvelles choses dans mon cheminement de chrétien. De plus, je pourrai revoir les personnes que j’ai rencontrées les années précédentes. A ceux qui ne sont pas venus, je leur dirais même en étant pas chrétien, on peut découvrir la vie en communauté. »
A l’année prochaine,
R. Janiec