Alexis est scolarisé depuis deux ans dans notre établissement. Depuis presque 15 ans, nous accueillons des jeunes sourds au sein de notre établissement.
Nous nous posons sans cesse cette question : comment accueillir les jeunes qui nous sont confiés ? Quelle place donner aux jeunes sourds, et quelle place aimeraient-ils eux-mêmes prendre à l’école ?
Alexis fait partie des jeunes sourds que nous accueillons. Il a été invité dans une classe où il n’y avait pas d’autres élèves sourds pour échanger.
Au début, il y avait des inquiétudes : un jeune sourd… mais comment allons-nous communiquer avec lui ?
Il communique avec les mains, mais nous ne connaissions pas la langue des signes. Nous voyions les jeunes sourds un peu partout, mais ils restaient très souvent entre eux.
Ne vous inquiétez pas, je ne vous laisserai pas seuls avec vos questionnements. Quel soulagement lorsque Mme Lola Passarelli est venue pour nous aider à communiquer !
Alexis s’est présenté, et tout de suite, les questions ont fusé.
Question : Aujourd’hui, il existe des appareils auditifs qui permettent aux personnes sourdes de mieux entendre. Pourquoi Alexis refuse-t-il de se faire opérer ? Alexis : « Si je me fais implanter des appareils, je vais entendre les bruits très forts, mais je ne pourrai pas entendre les voix, car je suis sourd profond. Du coup, ces appareils ne sont pas adaptés pour moi. Je suis sourd profond. »
Alexis : « Pour moi, c’est normal, je suis sourd profond, j’y suis habitué. Il ne faut pas avoir de peine pour moi », affirme-t-il, toujours avec un sourire sur les lèvres. « Il y a deux mondes : le monde des sourds et celui des entendants. C’est tout. Alexis a proposé de présenter un diaporama expliquant par qui et comment la langue des signes a été créée.
Question : Alexis, peux-tu prononcer quelques mots ?
Alexis : « J’ai une voix, je suis sourd, mais pas muet. Mais certains sourds n’aiment pas utiliser leur voix. Ça dépend de chacun. Moi, je n’aime pas utiliser la mienne. Personnellement, je ne connais que des mots de base. Toute ma famille est sourde. Je suis trop gêné pour utiliser ma voix. »
Question : Est-ce que tu entends des ultrasons ou des sons comme ça ? Alexis :« Non, je n’entends rien. »
Question : C’est difficile de se faire des amis quand on est sourd, Alexis ? Alexis : Ça dépend. Parfois, c’est facile, mais d’autres fois, je me sens rejeté. Tout dépend de la communication.
Question : Je voudrais te poser une question personnelle. Est-ce que c’était difficile pour tes parents de trouver du travail ?
Alexis : Maintenant, c’est plus simple, car une loi a été votée pour aider les personnes en situation de handicap à trouver un emploi, et les entreprises ont des obligations. Avant, c’était plus difficile pour les personnes handicapées en général. Ma mère a exercé différents métiers : elle a été coiffeuse, et elle a aussi travaillé à Lidl. Question : C’était difficile de trouver un stage ?
Alexis : Non, car j’ai été aidé par plein de personnes. En plus, j’ai trouvé une entreprise dans laquelle il y avait un collègue sourd qui m’a aidé en faisant la traduction.
Les échanges avec les jeunes ont continué, mais la sonnerie nous a rappelé qu’il fallait avancer.