Nous avons vécu une célébration autour du thème de l’accueil des nouveaux arrivants pour élargir notre amitié à tous.

 Là où le cœur s’endurcit, la raison s’illumine … Lorsque la raison s’éteint c’est l’humanité tout entière qui porte le deuil….

Ils sont en situation irrégulière sur notre sol, « Immigrés, sans papier, clandestins…. ». Plusieurs d’entre nous refusent leur présence….et la loi les conforte. Pourtant ils sont bien là. Sous nos fenêtres, sous nos ponts, affamés, dénudés, privés de dignité…..

Nous avons écouté le témoignage de Barry,  voici un extrait : (…) Barry est très gentil, très vivant, très joyeux dans une famille musulmane, dans la campagne de Guinée Conakry. Quand il avait 17 ans ( » le 24 septembre 2011 ! », la date ne peut pas être oubliée), son père et mère ont été égorgés devant lui (parce qu’ils étaient musulmans) pendant qu’on lui maintenait un fusil sur la tempe pour l’obliger à regarder. Sa sœur est morte de la tuberculose. Il cultivait le champ hérité de sa mère (essentiellement du riz) convoité par son oncle. Pour le chasser et ainsi récupérer son champ, son oncle l’a battu (il en a encore des séquelles aux yeux), menacé, calomnié et dénoncé aux autorités corrompues.

Il a fui avec l’aide de ses amis chrétiens, par la Mauritanie et le Maroc où il a travaillé sur des chantiers (pour 7 € par jour) ; il travaillait beaucoup et mangeait peu, pour économiser et pour payer son voyage aux passeurs (2500 €). Le voyage devait se faire sur un grand bateau, mais lors de l’embarquement sur la plage, ils étaient 35 qu’on a fait monter dans « un bateau en caoutchouc ». Ils ont essayé de protester mais les passeurs les ont obligés à embarquer, sous la menace de machettes (car ils craignaient de se faire dénoncer aux autorités marocaines), en leur disant « de toute façon, vous les africains, vous êtes faits pour mourir ».

Ils ont passé 6 jours en mer, à cours de carburant sans rien à manger et à boire de l’eau de mer.

Le bateau sombrait et il fallait écoper en permanence. Il raconte combien ça faisait mal, la faim et l’épuisement. Le 6ème jour, il a fait ses prières et s’est allongé pour mourir. Le soir du 6ème jour, un bateau italien les a repérés et a averti la Croix Rouge ; le bateau de la Croix Rouge est arrivé le matin. Quatre personnes étaient déjà mortes (dont une femme enceinte de 7 mois qui faisait le voyage pour retrouver son mari en France). (…)

 Il est venu le temps d’écouter le témoignage d’une ancienne professeure, Mme Florence de Bénazé mère de 5 enfants. (…) Grande lectrice, j’ai dévoré, entre autres, les œuvres de Troyat :  cet auteur, issu d’une famille d’émigrés russes décrit la détresse des migrants ayant laissé famille, richesses matérielles, habitudes séculaires pour se retrouver à Paris dans des emplois subalternes et des logements de misère, moqués par des Français dont ils ne comprennent pas les codes. Je me suis souvent demandé « et si cela m’arrivait ? ».

Mon mari et moi nous sommes ensuite demandé « et si cela arrivait à nos enfants ? »

Quand un ami jésuite nous a invités à rentrer dans le programme JRS-Welcome, cela est rentré en résonance avec nos questionnements. Le programme JRS Welcome propose un hébergement provisoire et gratuit au sein d’un réseau de familles et de communautés religieuses, pour une personne demandeuse d’asile qui est laissée à la rue, faute de place dans le Dispositif National d’Accueil.

Il ne s’agit pas tant d’héberger en urgence que de permettre une expérience de rencontre réciproque entre accueillants et accueillis. Cela permet au demandeur d’asile de se poser, de se réapproprier sa vie pour faire des projets, de retrouver une dynamique d’insertion culturelle et sociale alors que, dans la rue, la relation avec les gens croisés est quasi impossible. 

Le programme offre une durée de repos et une mise à l’abri pouvant aller jusqu’à 9 mois, avec un changement de lieu d’accueil toutes les 4 à 6 semaines.

A travers les personnes que nous avons accueillies nous avons mesuré combien il fallait être désespéré pour laisser derrière soi famille, amis, habitudes et oser affronter les risques d’une traversée puis l’arrivée dans un pays dont on ne maitrise ni la langue, ni les codes.

Le désespoir peut venir de persécutions suite à une opposition politique réelle ou supposée ; il peut venir aussi d’une situation économique ou écologique sans aucun espoir ; il peut même venir de menaces de mort proférées par la famille suite à des choix de vie comme l’homosexualité ou la conversion à une autre religion. Dans le récit de Barry, nous avons bien vu que ces raisons pouvaient même se superposer. Nous ne sommes pas des saints. Certains jeunes nous ont parfois agacés ou impatientés. (…). Nous avons parfois sous-estimé leurs traumatismes et oublié les gouffres culturels qu’il leur faut franchir. Mais essentiellement, nous avons été édifiés par le courage de ces jeunes, émus par leur reconnaissance, touchés par leur envie de donner le meilleur d’eux-mêmes au pays qui les accueille. […]

Notre modeste contribution à construire des ponts plutôt que dresser des murs est pour nous source de paix et de joie. N’hésitez pas à ouvrir vos portes pour, vous aussi, contribuer à construire des ponts et recevoir paix et joie. »

 Nous remercions Mme Florence de Bénazé de nous donner du courage pour ouvrir nos portes à l’étranger.

Les jeunes ont exprimé leurs réactions face aux défis qui nous attendent avec l’accueil des jeunes mineurs.

Mme Florence nous a transmis le goût de l’aventure dans la vie.

Nous remercions tous ceux qui réalisent ça par leur vie. Aime et dis-le par ta vie.

R . Janiec