Maraudes – Nul n’est plus misérable que celui qui sait et ne dit pas, si ce n’est celui qui dit et ne fait pas

 Nous avons reçu une proposition de boîtes cadeaux  « Boîtes de Noël » pour les plus démunis : idée reprise par beaucoup d’établissements un peu partout en France.

Cette idée généreuse a été relayée à tous les Établissements scolaires. Remplir une simple boîte à chaussures, dont le contenu réchauffera les cœurs.

Voilà ce que disait la consigne :

Le confinement a ouvert les yeux de certains, de plus en plus de monde est sensible à la précarité et à la pauvreté. Le confinement laisse aussi plus de temps pour accorder du temps aux autres. Nos élèves ont besoin de se rendre utiles et de faire quelque chose de positif. Cela redonne le moral à Noël, à ceux qui recevront, mais actuellement à ceux qui s’investissent dans le projet. Ils ressentent concrètement le fait d’être ainsi proches envers les plus fragiles. Cette action s’adresse aussi à vos communautés éducatives comme aux familles de votre établissement. »

La consigne était simple : une boîte à chaussures. Qui n’en a pas chez soi ?

Remplir une boîte, avec quelques objets, puis faire un emballage cadeau. Sur chaque boîte, il est demandé de préciser si elle est destinée à un homme, une femme, un enfant ou si le cadeau est mixte.

Qu’allaient devenir ces boîtes de cadeaux ?

La lettre poursuit : “Les boîtes que nous récoltons pourront donc être distribuées à une multitude de personnes : dans la rue, dans des foyers, dans les associations pour les femmes violentées, pour les étudiants en situation précaire, pour les migrants, les prisonniers. Il y en a des dizaines autour de nous.

En voici quelques-unes déjà sollicitées et qui nous semblent efficaces pour la redistribution :

Sœurs de Mère Theresa, Tournées de nuit du secours catholique, Accueil de jour Béthanie du secours catholique, Conférences de St Vincent de Paul, etc… »

Que fallait-il mettre dans la  boîte cadeau ?

« Un truc chaud (chaussettes, gants, bonnets…), un truc bon (chocolats, gâteaux, thé…), un divertissement (jeu de cartes, livres, magazines…), un produit d’hygiène ou de beauté. Un mot doux pour les fêtes de Noël »

Dans la joie de porter ensemble ce projet, bon Avent.

Comment toutes les propositions, nous les accueillons et nous  essayons de les adapter aux jeunes qui nous sont confiés. Certains nous ont posé la question suivante : est-ce que dans notre climat les bonnets et les gants sont tellement nécessaires ?

Je suis allé voir une Association pour proposer de recevoir les « Boites Cadeaux ». Le responsable m’a regardé et il m’a dit : «  C’est une action très généreuse et souhaitable de penser aux gens en difficultés mais c’est mieux d’aller jusqu’au bout du projet et que les jeunes se déplacent pour les donner aux personnes les plus nécessiteuses. Pour qu’ils voient leurs réactions et pour les écouter ce dont ils ont le plus besoin. Nous, les travailleurs sociaux, nous ne sommes pas nombreux. Ça serait intéressant d’aller jusqu’au bout des projets. Voir la réaction des gens. »

Nous avons proposé à nos jeunes de réaliser  une « boite de bonheur » ou d’aller à la rencontre des gens de la rue. Les jeunes ont hésité entre les deux car pendant le temps du corona virus, aller à la rencontre des gens qui sont dans la rue, c’est prendre plus de risques… Mais finalement, c’est la maraude qui a été plébiscitée.

Allez à la rencontre des gens

Nous décidons de nous retrouver un vendredi … Il pleut. Avec Christian, nous pensons : que faire, quoi faire ? Y aller ou annuler. Mais les gens de la rue nous attendent. Nous préparons du café ou du thé et nous allons créer des liens d’amitié avec nos frères et sœurs. Les premiers contacts sont faits avec Medhi, Mahomet et Diego. Nous nous présentons et nous proposons du café ou du thé. Mais après les échanges, il nous est fait une demande : « nous dormons dans la rue, nous avons besoin d’une couverture ». Nous sommes partagés car la dernière fois que nous avons donné une couverture, les services de l’ordre sont venus le soir et l’ont prise pour faire partir des gens du Vieux Port. Nous ne pouvons pas laisser leur demande sans réponse ! En partant, ils nous demandent des masques. Ils nous remercient et nous nous donnons  rendez-vous le lundi suivant. Nous rencontrons également une femme mais elle ne veut pas nous parler et nous fait signe de partir. Nous continuons notre route. Nous rencontrons une jeune fille assise dans le métro. Elle est seule. Elle est très jeune. Nous proposons du thé mais elle ne veut pas. Une femme arrive et s’assoie à côté d’elle. Elle nous demande un café et la fille, encouragée par cette femme, demande aussi un thé. Nous échangeons mais notre discussion est simple car elle ne maîtrise pas très bien le français. Nous continuons et nous rencontrons Pierre-Antoine qui prie le rosaire. Il veut entrer dans l’église mais elle est fermée. Nous parlons de la vie. Pierre-Antoine s’adresse à Christian en lui disant que ce qu’il fait est bien. Tu es jeune mais tu es attentif aux autres. C’est bien.

Ahmad est dans la rue en chaussons mais il pleut et il est trempé. Il ne veut que du thé et il ne répond pas à nos questions. Il nous remercie chaleureusement. Il part aussi tôt.

Devant une supérette, nous nous arrêtons devant un monsieur qui vient du Kosovo. Les échanges sont courts et intensifs : « Toi, je t’aime, Kosovo je t’aime, la France je t’aime, Madame je t’aime. » Nous nous assurons que nous viendrons. Il nous a répondu : « je vous attends demain et après-demain et après, je serai ici. »

Nous voyons dans un arrêt de bus un Monsieur  qui nous dit : « Non, je ne veux ni café ni thé ». Nous essayons de communiquer mais Max se lance dans un monologue  car nous avons compris qu’il a envie de parler : c’est un monologue, un océan de paroles pendant de longues minutes. Nous écoutons en silence ….

Devant l’hôpital de la Timone, un groupe d’hommes qui vivent dans la rue : deux qui dorment, plusieurs qui boivent de la bière. Nous rencontrons notre ami du vendredi qui nous dit : « ce soir, je vais à l’hôpital ; comme ça je passerai la nuit au chaud. »

Impressions des participants  :

Ryan : Je me suis décidé d’aller à la rencontre des gens de la rue, car je n’ai pas souvent l’occasion de parler aux SDF et j’ai voulu saisir cette occasion pour pouvoir les rencontrer. J’ai pu voir que dans la rue il y a beaucoup de personnalités différentes. On passe de la mère et sa fille qui sont assez timides et réservées, à quelqu’un qui va nous faire sa politique de la République en marche ! (j’ai bien rigolé). Non je n’avais pas peur d’y aller. Un jour j’ai parlé à un SDF, il était très gentil, et quand je lui ai donné de l’argent il m’a dit de le garder pour moi, (ce que je n’ai pas fait bien évidemment). Souvent les jeunes d’aujourd’hui veulent rester dans leur petit confort et ne se soucie pas des autres, tant qu’ils vont bien, c’est l’essentiel ! C’est juste une question de maturité, il faut se dire que dehors il y a des gens seuls qui souffrent en silence, alors pour moi une maraude, c’est une belle opportunité.  Si on me propose de nouveau d’aller à la rencontre des pauvres ? Oui bien sûr, j’irai. C’était drôle de voir les différentes personnalités des SDF. C’était aussi très touchant, donc je reviendrai avec plaisir. Je voudrais résumer ma rencontre en disant : comme le dit notre ami de la rue « MERCI JE T’AIME ! ».

Christian : J’ai fait la maraude pour rencontrer des gens de la rue. La rencontre m’a permis d’écouter leur histoire et d’éviter de faire les mêmes erreurs plus tard ; de les soutenir dans ces moments difficiles qu’ils traversent. Les moments passés avec des gens de la rue ont renforcé ma soif de réussir et m’ont confirmé sur l’idée que la vie est instable. J’avais peur d’y aller car on ne peut pas savoir l’état mental d’une personne qu’on connaît à peine. Pourquoi sont-ils dans la rue ? Quelle serait sa réaction vis-à-vis de notre geste ? Mais il y a très peu des gens qui veulent rencontrer des pauvres car ils pensent que ce serait perdre du temps et ennuyant. S’ils sont dans cette situation, c’est qu’ils n’ont pas de bons conseils à transmettre, or ils se trompent c’est tout le contraire. Je voudrais revenir et aider les gens car ça ne fait pas de mal d’aider ! Et on ne sait pas de quoi est fait l’avenir. Les maraudes sont vraiment une expérience à vivre au moins deux fois dans sa vie, parce qu’elles nous ouvrent les yeux d’une certaine manière pour les enfants et ados que nous sommes aux difficultés qu’impliquent la vie d’adulte  et ainsi nous pouvons faire plus attention à nos études et à nos parents qui nous offrent cette chance d’aller à l’école.

Chérine : Je me suis engagée car j’ai voulu savoir comment les sans – abris vivent dans la rue et essayent de survivre. Les rencontres m’ont permis de comprendre comment sont les sans-abris et quel est leur mode de vie. Je n’avais pas peur de les rencontrer car les gens de la rue sont des personnes qui ont la même dignité que moi mais peut-être que ce sont eux qui ont véritablement peur du regard qu’on leur porte. Volontiers je reviendrai, c’est une occasion d’aider et de rencontrer d’autres personnes. Je voudrais résumer cette démarche en trois mots : NOUVEAUTE, RENCONTRE, AIDE.