La puissance de Dieu, c’est que rien ne peut l’empêcher de nous aimer et de croire en nous

Le soleil envahit notre » maison » et le père Olivier Passelac vient avec sa moto. Il vient pour rencontrer des élèves et parler de sa vie. Depuis plusieurs années, cela fait presque cinq ans qu’il vient pour célébrer des célébrations mais depuis le 1er février 2021, il est devenu prêtre accompagnateur de l’établissement pour trois ans. Mgr Aveline a confirmé et approuvé la demande de la tutelle en accord avec le supérieur de l’œuvre Jean-Joseph ALLEMA

Le père Olivier PASSELAC se présente : « Vous savez ce qu’est un prêtre ? c’est chez les catholiques, répond un jeune.

Oui, ce sont les responsables d’une communauté chez les catholiques, continue le père Olivier.

Vous connaissez d’autres responsables, chez les juifs ce sont les Rabbins et chez les musulmans, ce sont les Imams. Chez les chrétiens, dans la branche protestante, il y a les Pasteurs. Le prêtre est au service de la Communauté des croyants et il aide à célébrer et vit de la charité. Tous ceux que devraient vivre les croyants. Je suis prêtre depuis 20 ans et je suis prêtre religieux dans une communauté. Les religieux ce sont ceux qui vivent ensemble dans une communauté. Certains ont des habits comme les moines mais certains sont en civil comme moi. Souvent les religieux, ce sont des prêtres qui ont une particularité. Moi, je suis responsable du Centre de loisir à Saint Savournin les Plaines où les jeunes viennent pour les loisirs les weekends et pendant les vacances scolaires. (…)

J’ai aussi une mission dans un Institut qui réfléchir sur le dialogue avec d’autres religions.

Depuis quelques années, les chrétiens ne sont pas en opposition avec d’autres religions ( …) mais il disent que tous les croyants se tournent vers un Dieu. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas la même manière d’aborder Dieu, de prier ou parler de lui que l’on doit se faire la guerre. C’est donc débile de dire au nom de Dieu qui devrait tous nous rassembler puisque c’est notre père à tous que l’on doit « se prendre le chou ». Nous sommes dans la logique de connaitre l’autre en se disant lui aussi c’est un chercheur de Dieu authentique il n’est pas tordu. Sa manière d’approcher Dieu n’est pas la même que moi et peut être ça pourrait m’intéresser de savoir comment il cherche Dieu et moi aussi, je peux témoigner comment je cherche Dieu (…) et on est tous au service de la même mission. Je suis dans la rédaction d’un bouquin qu’on sort deux fois par an.

Une autre mission que j’ai, je suis aumônier de la Prison pour Mineurs qui se trouve à la Valentine.

Il y a six établissements spécialisés pour les jeunes qui ont entre treize et dix-sept ans. Donc dans les prisons il y a des aumôniers qui assurent la vie spirituelle des gens. Quand tu es en liberté, c’est toi qui choisis de pratiquer ta religion. En prison, c’est la religion qui vient à toi.

Voilà, ça c’est en gros pour que vous sachiez qui je suis. Mais ce qui m’intéresse, c’est qu’on puisse dialoguer avec vous sur les questions qui vous intéressent, pas seulement ce qui touche à Dieu mais tout ce qui touche à l’humain. La religion ne s’intéresse pas seulement à Dieu mais elle s’intéresse à tout ce qui touche à l’humain. Si Dieu a quelque chose à voir avec nous, c’est qu’on pense que Dieu nous aime et qu’il veut nous accompagner dans notre vie. Toutes les questions de notre vie ne sont pas indifférentes à Dieu. Je crois que Dieu s’intéresse à nous toute notre vie. Si Dieu est ce que je crois. Je crois que Dieu est bon et donc il s’intéresse à ma vie et tout particulièrement à mes difficultés. Peut-être vous n’avez pas tous la même idée de Dieu. Peut-être ce n’est pas évident pour vous que Dieu soit bon. Est-ce que vous croyez que Dieu est bon ? » Long silence dans la salle.

Le père Olivier continue : « si on dit Dieu est bon, ça veut dire quoi pour vous. » Le silence règne.

Il faut savoir que je fais des études comme prêtre et religieux sur Dieu mais je ne suis pas plus avancé que vous car Dieu n’est pas comme un moteur ou un métier que vous apprenez à votre âge. C’est carré : le moteur tourne ou ne tourne pas. Pour Dieu, comme pour la philosophie, il n’y a pas de certitudes, on avance ensemble. J’ai fait six ans d’études pour connaitre ce que disaient les gens à travers les siècles sur Dieu, mais je ne suis pas plus avancé que vous sur moi et de la vérité sur Dieu. Il y a des choses que vous pensez qui m’ont aidé et peut-être moi je réfléchis sur des trucs qui peuvent vous aider à réfléchir à vous. C’est plutôt comme ça dans la religion. Il n’y a pas ceux qui savent et ceux qui sont ignorants. Et souvent ceux qui pensant savoir commencent à se mettre au-dessus des autres et en fait, ils n’ont rien compris. Que la religion, ce n’est pas de se mettre au-dessus des autres mais de partager. Dire que Dieu est bon, qu’est-ce que ça voudrait dire ? Parfois, il y a une façon de présenter les choses où on dit que Dieu gère notre vie, que c’est Dieu qui décide. Qu’est-ce que vous pensez de ça ? Est-ce que c’est Dieu qui décide ? Qu’il y a un destin ? ». Le silence règle et le père Olivier continue : « Nous sommes libres ou c’est Dieu qui décide que se passe tel ou tel évènement dans notre vie ? » Un jeune répond : « on est libre ! »

Crois-tu que tout est écrit d’avance?

Non, il nous aide » répond un jeune.

Comment il nous aide?

Je ne sais pas ! Répond un autre jeune. Il nous aide directement.

Nous faisons une prière et on va avoir une bonne note ou ma grande mère est malade et elle sera guérie ? Comment vous pensez que ça marche vous ? En prison, j’entends souvent : c’est le destin, c’est Dieu qui l’a voulu. Et en même temps, je me dis c’est quand même pas Dieu qui a voulu que tu fasses du mal à quelqu’un ou que toi, tu souffres en étant en prison ?

J’ai dit tout à l’heure que Dieu était bon donc ce n’est pas logique. Si Dieu, il joue avec nous comme des marionnettes, c’est un Dieu un peu sadique. Je ne suis pas prêtre d’un Dieu qui peut vouloir que des gens souffrent par ma faute. Je ne crois pas … Le destin de la vie, il y a un sens qui se fait …

(…) Comment vous verriez Dieu ? Quelle image vous avez de Dieu ? » Demande le père Olivier.

Vous vous méfiez ? ». Un des élèves répond :

« je ne suis pas croyant. » Le père Olivier demande : « ça veut dire quoi pour toi de ne pas être croyant.

Je ne crois pas que Dieu existe c’est un pur hasard que nous sommes nés. Et je ne crois pas qu’il y ait quelque chose qui nous dépasse… ». Le père Olivier demande : « en quoi tu crois dans la vie ? Si tu ne crois pas en Dieu, donc en quoi tu crois ? Peut-être qu’il y a quelque chose en quoi tu crois ? Si tu ne crois pas en Dieu, il y a quand même des choses qui te font tenir bon, ne pas désespérer. Tu as une grosse épreuve dans la vie car ce que tu aimes est parti ou autre. En quoi, est-ce que tu crois pour ne pas baisser les bras ?

Je crois que la vie peut être bonne. Je pense que c’est déjà une croyance. Moi, comme chrétien qui croit en Dieu, je peux dire que toi tu ne mets pas Dieu dans cette histoire-là mais je peux voir la force de Dieu.

Suite à cela, s’ensuit une partie de questions réponses. Un des jeunes demande : « qui sont les jeunes que vous fréquentez en prison ?

Il y a 59 places et il y en a 2 en dix ans qui ont dit qu’ils étaient chrétiens.

Il n’y a pas de jeunes du sixième arrondissement de Marseille. Les jeunes viennent des quartiers en difficultés et sont très souvent des familles de troisième ou deuxième génération d’immigrés. Ce sont des gens de tradition musulmane mais ne pratiquent pas, mais eux se disent musulmans. C’est étonnant car je vais les voir comme aumônier, je tape à la porte et je me présente « voilà, ce que je suis ». Je dis qu’il y a d’autres aumôniers qui peuvent venir te voir. J’explique ce que je dis que je ne suis pas venu les convertir absolument pour qu’ils deviennent chrétiens, mais je leur dis plutôt que quoi qu’il arrive Dieu les aime, les accompagne et ne les rejette pas. Et que ce que j’ai compris de Dieu, c’est que plus que quelqu’un va mal, plus quelqu’un a fait des erreurs dans sa vie plus Dieu a besoin de l’aimer. Car Dieu, c’est comme un médecin et il ne se dit pas « moi je m’intéresse à la santé des gens, donc je m’intéresse à ceux qui sont en bonne santé parce que ceux-là ils ont tout juste. Parce qu’il s’intéresse à la santé des gens, il va voir ceux qui ne vont pas bien. Il ne s’intéresse pas à eux en disant « j’adore le cancer, j’adore la maladie c’est un truc génial » mais il vient pour demander comment ça se passe, ce qui va mal chez toi pour t’aider à guérir. La religion, les aumôniers, les imams, les prêtres, les Rabbins, s’ils s’intéressent aux gens, ce n’est pas pour dire « vraiment vous êtes de la merde, vous avez fait des conneries, vous avez mérité ce que vous avez. Au contraire, c’est plutôt pour dire que même dans ta galère, Dieu continue de t’aimer. Dieu continue de croire en toi. Dieu croit que c’est possible, que tu prendras ta vie en main. Et tu te relèves.

Et c’est beau car ils ont compris que la religion ce n’est pas une histoire de clan et si on est dans un clan, on n’est pas dans l’autre et qu’on ne peut pas leur parler, les aimer. Dieu aime tout le monde. Comme ici, l’école Don Bosco, c’est une école catholique qui n’accueille pas que des catholiques. Qu’est-ce qui fait que l’établissement est catholique ? Ce n’est pas que c’est pour des catholiques, car ce qui fait qu’on est catholique ce n’est pas qu’on s’est fait baptiser, qu’on va à la messe tous les dimanches, qu’on porte la croix autour du cou, mais ce qui fait qu’on est catholique, c’est que l’on croit en l’autre, croire qu’il est aimé de Dieu même s’il n’est pas baptisé. Je crois que sa vie est précieuse. C’est ça être catholique. Donc il y a des gens qui sont catholiques sans le savoir. »

Paroles d’élèves suite à la rencontre

R. JANIEC